Chez Mathias Coullaud, l’art n’est pas une vocation tardive : c’est une langue maternelle. Preuve s’il en fallait, Mathias a été élevé dans une famille où chacun collectionnait quelque chose - voitures anciennes, barbotines, armes, tableaux - comme d’autres collectionnent les souvenirs. « Chez nous, l’art n’était pas un métier, c‘était un monde en soi, une manière d’habiter le réel » aime-t-il rappeler. Son père, huissier par devoir familial mais plutôt passionné de peinture, fut son premier guide. Exigeant, parfois insaisissable, voire habité, l’art était leur terrain d’entente, leur refuge commun, leur conversation inépuisable.
L’art en héritage
Très tôt, Mathias comprend que l’œuvre n’est jamais seule : elle existe dans un écosystème, un réseau, un récit. Il assiste à son premier opéra à sept ans, passe par les classes prépa littéraires, accompagne des metteurs en scène pendant dix ans… avant de réaliser que sa place est peut-être là où se croisent le geste artistique, la stratégie et les relations humaines.
En 2012, il ouvre sa galerie dans le Marais, au 12 rue de Picardie. Il y défend des artistes contemporains, expose, négocie, raconte des œuvres et construit un réseau dense, exigeant, presque organique.
« Quand on dirige une galerie, on est à la fois chef d’entreprise et médiateur. Paris vous oblige à développer un instinct, une intuition sociale ». De 2008 à 2021, le métier façonne son regard et son oreille : écouter les artistes, lire un marché, sentir les signaux faibles.
De l’art lyrique à la finance
Pendant cinq ans, Mathias gère le mécénat du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence. Lever des fonds, convaincre, tisser des alliances devient son quotidien, « le mécénat, c’est du commerce éclairé » glisse-t-il. Au comité de direction, il comprend que le monde de l’entreprise l’attire, que la prise de risque lui ressemble. Une société financière l’approche, il dit oui. Deux ans plus tard, il fonde Coullaud & cie, sa structure de conseil mêlant art, finance, stratégie et réseau.
La finance comme terrain de jeu
Aujourd’hui, Mathias Coullaud est à sa place. Il conseille des family offices, de nombreuses entreprises et a un projet dans une société parisienne singulière réunissant hospitality (hôtels et restaurants) et monde de l’art (foire d’art). Pour chacun de ses clients, l’art n’est pas un embellissement, mais un levier. « L’art est devenu un signe de réussite, mais aussi un outil de narration pour les marques. On peut vendre un produit financier en construisant un imaginaire, un récit ». Sa grande force : une compréhension intime des deux univers, et une discrétion inébranlable. « Les gens du monde de l’art disent que je suis un décodeur. J’ai appris à parler les deux langages »
Il accompagne aujourd’hui des héritiers dans la gestion de collections sensibles, identifie les pièces clés, sait repérer et se positionne sur des successions importantes, parfois face à des maisons historiques. « Mon réseau me permet d’aller plus vite, plus loin. C’est un métier de timing et de confiance » reconnait ce dernier.
Quand il ne conseille pas, Mathias collectionne : livres d’artistes des années 60-70, éditions rares d’écrivains, arts de la table : « j’ai une passion dévorante pour la gastronomie » mais aussi Velázquez et Goya, dont la modernité le trouble encore. À ses enfants, baignés dès la naissance dans les galeries, il transmet ce regard, « ma fille, en grande section, connaissait déjà le nom de plusieurs artistes. Elle a grandi au milieu des œuvres ». Il rit en se décrivant comme « un guide Michelin sur pattes », capable de recommander les meilleures cacio e pepe de Rome. Mais derrière l’humour, une vérité : Mathias Coullaud pense en réseau, vit en passionné, et avance comme il l’a toujours fait : à la croisée des mondes.
Photo Mathias Coullaud : ©Charlotte le Gallo